La thérapie brève et mes émotions

La thérapie brève et mes émotions

Joana Lob nous partage à travers ces quelques lignes comment la thérapie brève a changé sa façon de voir ses émotions et de quelle manière elle leur a ouvert la porte. Un grand merci à Joana, notre précieuse stagiaire, de nous avoir confié un peu d’elle dans cet article.

Je suis stagiaire au Centre Sésames depuis bientôt une année et je peux confirmer (comme vous le savez déjà certainement toutes et tous bien mieux que moi) : la thérapie brève systémique et stratégique, ça bouscule !

J’ai toujours été très émotive, j’ai d’ailleurs été parmi ces nombreux enfants, que l’école envoyait chez le/la psychologue scolaire parce qu’il pleurait trop. Aujourd’hui, je vais donc, sans surprise, vous parler d’émotions et en profiter pour leur parler à cœur ouvert.

Bonjour vous, ma colère, ma culpabilité, ma honte et ma tristesse, que j’ai si souvent haïes, pendant des années au point de souhaiter que vous n’existiez pas. Et pourtant, malgré toute ma volonté pour que vous disparaissiez, vous étiez toujours là, tels de fidèles soldats, toujours aux aguets.

Et moi ? Je ne vous écoutais pas vraiment.

À chaque fois, je vous claquais la porte au nez, comme une ingrate : « écoutez, là ce n’est pas le moment, j’ai d’autres choses à faire, je dois aller travailler », « là non plus, j’ai envie de regarder une série en mangeant du chocolat ». Au bout d’un moment, je comprends que vous en ayez marre et qu’à force de toquer à ma porte, vous la fracassiez. Vous êtes malignes, vous savez que sinon, je ne vous ouvrirai jamais parce que qui a envie d’exploser en sanglots juste avant une réunion de travail ? Qui a envie de hurler sur son enfant parce que ça fait trois fois qu’on lui demande de ranger la cuisine et qu’il ne le fait pas ? Qui a envie de ressentir la culpabilité de n’avoir jamais dit à son père qu’il/elle l’aimait ?

Avec du recul, je me rends compte que, très logiquement, j’avais tendance à faire ce qu’on fait souvent avec les émotions (les nôtres et celles des autres), c’est-à-dire à les contenir, à prendre sur moi, à me rassurer, à rationnaliser, à positiver, à ruminer, à me changer les idées voire même à tout faire pour les mettre à distance.

Je m’aperçois que ces tentatives de solution pour faire face à l’émotion ne me sont pas apparues par hasard. En tant que psychologue, globalement ce que l’on apprend, c’est à faire en sorte qu’une émotion soit moins débordante, parfois, en l’évitant. On apprend aussi souvent à faire rentrer dans une norme ; il faut un juste milieu, ni trop d’émotions, ni pas assez et si l’émotion est trop forte, elle peut être associée à un diagnostic.

Pourtant, nos émotions, même les plus négatives, ont une fonction, c’est notre boussole interne, comme le dit si souvent Alessandro Elia à ses patients. Elles nous indiquent le nord, à savoir nos besoins, ce qui est bon pour nous et nous fait du bien, comme un superpouvoir. La colère, permet de changer le monde, c’est un moteur d’action (référence : Giorgio Nardone). La peur nous protège. La tristesse nous aide à panser nos blessures (Alessandro Elia).

Ce que la thérapie brève systémique et stratégique m’a apporté : 

A l’inverse d’éviter l’émotion ressentie, la thérapie brève m’a appris à l’accueillir. Mais comment on fait ça concrètement ? Pas simple et il n’y a malheureusement pas de protocole.

Consciente que je ne suis pas experte en la matière et que j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir, je souhaite vous partager ce qui a fonctionné pour moi. A savoir que je risque d’être un peu réductrice en résumant les choses car cela n’intéresserait personne de connaitre tous les détails. Parmi ce que j’ai appris c’est…

Un investissement en temps avec moi-même

Dès la moindre émotion dite négative ressentie, je lui donne rendez-vous dans l’idéal tout de suite, sinon plus tard, dans un endroit calme. J’estime au cas par cas le temps dont j’aurais besoin pour l’écouter (généralement de 5 à 30 minutes) et allume mon minuteur. Puis je note dans un carnet les bonnes raisons que j’ai de ressentir ce que je ressens, à savoir d’être triste, en colère… Et je laisse venir l’émotion. Si je ressens de la tristesse, il m’arrive de pleurer (souvent). Si je suis en colère, j’écris ce qu’on appelle en thérapie brève une lettre de colère, c’est-à-dire, écrire sans filtre sur une feuille de papier ce que l’on voudrait dire à la personne concernée puis détruire la lettre sans la relire. Si j’ai des regrets, au lieu d’éviter d’y penser, je les liste et cela à chaque fois que j’en ressens le besoin, même si ça peut être répétitif. C’est aussi par exemple, noter mes déceptions dans une colonne et dans l’autre, comment j’aurais voulu que les choses soient dans un monde idéal (référence : Nathalie Delpic).

L’importance du temps défini 

Enclencher un minuteur qui met fin à ce moment d’accueil a été primordial dans ma propre avancée vers mon amitié avec mes émotions. Une fois que l’alarme sonne, je passe à autre chose et ne me laisse plus envahir par mon émotion toute une journée ou un week-end entier, précisément car j’en ai pris soin. Tout en sachant que si elle revient, je lui donnerai à nouveau rendez-vous.

Admettre et ne plus se mentir à soi-même

Quand on est en colère contre son amie, c’est difficile d’admettre qu’au fond, cette situation nous attriste, nous blesse, parfois même, on ne s’en rend pas compte. Idem pour les relations amoureuses, il est parfois plus facile pour l’estime de soi de rationnaliser en se disant « bon, de toute façon je ne l’aime pas tant que ça, ce n’est pas grave » que de se dire « en fait je l’aime bien et ça me blesse qu’on en soit là ». Parfois aussi, on a tellement nié l’émotion qu’on n’arrive plus à l’identifier… De me rendre compte et d’admettre que telle action m’a attristée a aussi été une clé.

Puis réguler avec l’autre si besoin…

Réguler son émotion avec soi-même et l’accueillir n’est pas toujours suffisant. Il m’est donc arrivé récemment de formuler ma déception et ma colère envers une amie mais de façon plus constructive que je ne pouvais le faire auparavant, précisément parce que j’avais commencé par réguler avec moi-même en premier. 

Oui mais accueillir ses émotions ça fait mal, c’est violent, terrifiant : 

Accueillir ses émotions (et celles des autres) n’est pas une formule magique ; on n’a souvent pas envie de le faire, on ne se sent pas mieux d’un coup et ce n’est pas pour rien qu’on préfère parfois les envoyer bouler.

Et comme le disent souvent les thérapeutes brefs à leurs patient(e)s : « refuser de ressentir la sensation d’échec, de défaillance ou toute autre émotion dite négative, c’est comme mettre un pansement sur une plaie en espérant qu’elle se soigne d’elle-même. Accepter de ressentir, c’est comme mettre du mercurochrome sur cette plaie afin qu’elle cicatrise et que ça fasse moins mal ».

Joana Lob